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Les micro-nouvelles de Hervé Beauno

Des histoires courtes pour découvrir mon univers

Perdu le Nord

Perdu le Nord - Hervé Beauno

Perdu le Nord - Hervé Beauno

Publié le 11/10/18 - Hervé Beauno

L’aiguille tournait sans ne jamais s’arrêter. La boussole était folle.

- Cette fois c’est sûr, j’ai perdu le Nord !

Cette phrase résonnait avec terreur dans la tête d’Alain, petit banquier du sud de la France. Hier encore, il comptait des billets derrière son bureau alors qu’aujourd’hui il traversait une aventure que lui-même ne savait expliquer.

Tout était arrivé pendant une réunion avec son patron, un gros chauve colérique qui ne savait que hurler. Quand il était en colère, il hurlait. Quand il était content, il hurlait. Cette fois-ci, il avait hurlé si fort qu’Alain aurait juré avoir senti les murs vibrer.

Et puis, l’immeuble a tremblé avant de s’écrouler. Le choc fut si violent qu’Alain perdit connaissance. A son réveil, il avait rejoint une forêt épaisse et verdoyante. Tout ce qu’il déteste.

Amateur de musées, de cocktails sur la plage et de restaurants gastronomiques, Alain avait toujours fui la nature qu’il trouvait sale et dégradante. Désormais perdu dans la verdure, il ne rêvait que de steak grillé, de hammam et de lit douillet.

Vêtu de son costume de banquier, la gorge sèche, il marcha pendant des heures dans cette jungle, sans savoir pourquoi, sans croiser personne. Même pas une araignée ou un moustique à écrabouiller. Devant lui : des arbres. Derrière lui : des arbres. Partout : des arbres. Entre les arbres : des plantes, des herbes hautes et des fleurs. Par chance, il trouva quelques noix de coco. Enfin il s’hydratait.

Coincé au milieu de cette nature qu’il détestait tant, il n’avait pour compagnon qu’une foutue boussole complètement débile. Un souvenir de son grand-père qu’il gardait toujours sur lui et dont il n’avait jamais eu l’utilité. Depuis ce matin, l’aiguille tournait et tournait encore, infatigable, comme si elle cherchait le Nord sans le trouver.

Autant l’admettre, Alain ne comprenait rien à tout cela. Il ne savait pas comment il était arrivé ici. Il n’avait aucune idée de ce qu’il pouvait bien faire dans ce trou perdu et se doutait encore moins d’où il devait se rendre.

Le tonnerre se mit alors à gronder au rythme de son estomac qui gargouillait. S’ensuivit une pluie diluvienne. Fini le soleil éclatant et la chaleur idyllique. La température chuta instantanément de plusieurs degrés. Alain resserra sa veste.

L’eau tombait abondamment et ruisselait sur son corps grelottant. Son costume, déjà en piteux état, n’était plus que le reflet d’une serpillère pourrie. L’eau coulait sans interruption. Le niveau monta à vue d’œil si bien qu’en quelques minutes un ruisseau atteignait déjà ses genoux.

Rapidement, le ruisseau devint torrent et l’emporta. Le courant, si fort, rendit impossible la moindre progression par la nage. Impossible donc de rejoindre la rive ou de s’agripper à un arbre. Soumis aux rapides, il luttait pour se maintenir hors de l’eau afin d’ingurgiter les quelques litres d’air indispensables à sa survie.

L’eau continua de monter dangereusement, surnaturellement. Bientôt, il dépassait la cime des arbres. Epuisé, il trouva enfin un tronc pour s’appuyer et reprendre son souffle. Ce bout de nature, qu’il détestait quelques minutes auparavant, était devenu son meilleur ami.

Au bout d’une bonne heure à flotter, la pluie s’interrompit. Comme si l’on vidait une baignoire, le niveau baissa, amplifiant davantage la vitesse du courant. Alain suivit encore le flot, accroché à son tronc d’arbre, puis arriva ainsi sur une plage où il s’écroula de fatigue.

Quand il ouvrit à nouveau les yeux, le soleil étincelait, l’enveloppant d’une chaleur énergisante et régénératrice. Il desserra sa main dans laquelle il tenait encore la boussole de son grand-père. L’aiguille avait cessé de gigoter et indiquait le Nord. La mer était calme.

Toutefois, le répit ne dura qu’un instant. L’aiguille s’emballa à nouveau. Alain tremblait de peur en pensant à ce qui l’attendait cette fois-ci. Il eut à peine le temps de resserrer son étreinte sur l’objet de ses tourments qu’il se retrouva propulsé dans le ciel, volant à une allure extraordinaire.

Et puis, en un instant, tout s’arrêta. Plus rien. Plongé dans le noir total, flottant dans les airs, il n’avait que cette boussole dans son champ de vision. L’aiguille ne bougeait plus. Le silence était infini, impénétrable. Il releva les yeux, dans la direction que lui indiquait l’objet. C’est ainsi qu’il vit la lumière. Une lumière douce et pure qui l’accueillait.

Un instant, il repensa à la banque, à son patron, à l’effondrement de son immeuble. Tout prenait sens. Il n’était pas égaré, il n’avait pas perdu le Nord. Il suivait simplement son chemin. Celui qui mène vers l’après.

 

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